22/11/2009

Texte de Françoise Lonardoni

La peinture est la technique élective de Julien Ruel, qui a expérimenté différents modes d’expression, tels que la vidéo ou la sculpture.
La question du sujet est posée sitôt qu’un artiste prend le pinceau, quelle que soit l’époque où il s’inscrit. Si Julien Ruel, a fait de la peinture un champ d’expérience, il s’est toujours préoccupé du sujet, même dans des moments de pratique instinctive.
Ses premières peintures de paysages ont donné lieu à une étude presque physique de la matière et des effets qu’elle induit : en plaçant des papiers sur la toile pour délimiter des formes, puis en les décollant, il a cherché à séparer la peinture de son support. Puis ses paysages, à la connotation légèrement irréelle, ont servi de prétexte à une intention toute picturale : la toile devait rester visible, comme un matériau actif. Les couches successives de peinture étaient appliquées avec cette contrainte, et les choix de l’artiste devaient en tenir compte : peinture travaillée en jus, effacement des formes.
Les peintures suivantes ont quitté la représentation pour explorer longuement les profondeurs matiéristes de l’abstraction. Les procédures de vision, d’apparition, d’interprétation intéressaient alors l’artiste qui évoque aussi le surréalisme de Max Ernst. Malgré la perte du sujet et la plongée dans les taches colorées, l’artiste partait toujours d’un paysage, peu à peu effacé, illisible.
Quelques incursions dans l’installation d’objets n’ont pas empêché Julien Ruel de revenir à la peinture, avec un programme affirmé : reprendre la peinture figurative, et peindre des animaux. Sujet historiquement marqué, mais à l’intérieur duquel il a su rapidement trouver sa position. Les animaux, en partie hors-cadre, sont tronqués en leur partie supérieure, en suspension dans la toile. La plupart des tableaux représentent des proies pour les chasseurs – orignal, ours polaire, loup, panda - et sont traités avec une technique similaire, une peinture bleue et blanche froide qui leur donne l’aspect de la porcelaine.
Contempler ces animaux bleutés et sans regard nous conduit aux ambivalences courantes de l’humain vis à vis de l’animal : en faire un objet décoratif et affectif, ou le chasser, hors de toute nécessité alimentaire, pour renouer avec les instincts enfouis.
Dans les deux cas, une forme de sensibilité primitive est fortement engagée.
La peinture de Julien Ruel peut contribuer à cette prise de conscience simple : quelle place assigner à l’animal, comment définir les frontières entre animal et humain ? Ces peintures pointent une part de notre identité qui a besoin d’être confortée par l’existence de la différence fondamentale.

Francoise Lonardoni.